Privatisation de la Poste

Un article de libé du 10 juillet dernier pas inintéressant sur ce qui devrait nous arriver, à noter que SUD RATP n'a pas grand chose à voir avec SUD PTT comme ils viennent de la prouver en demandant la décentralisation des CHSCT qui facilitera la vente par appartement du département BUS.


Ce matin, au conseil d'administration, le patron de la Poste va devoir affronter les syndicats sur l'ouverture du capital du groupe. Vrai-faux en six points sur la future réforme.
L’avant-dernier bastion, avant la SNCF, serait-il en train de tomber ? La Poste est sur les rails d’un changement de statut. Et de l’ouverture de son capital dans la foulée. Même s’ils s’attendaient à ce que le sujet de la privatisation soit mis sur la table un jour ou l’autre, la nouvelle a cueilli à froid les postiers. Juste avant les congés.

 

Le groupe la Poste (l’activité courrier et la Banque postale) est actuellement un exploitant autonome de droit public. Le patron de la Poste, la main dans la main avec l’Etat, veut lui faire endosser l’habit beaucoup moins rigide de la SA (Société Anonyme). Une réforme d’une telle portée ne devrait pas passer comme une lettre à la poste. Ce matin, devant son conseil d’administration, Jean-Paul Bailly va devoir argumenter devant les postiers présents en force au CA, - avec 7 syndicalistes sur 21 administrateurs -, sur les bonnes raisons de procéder à cette révolution.

Vrai ou faux : la Poste a -t-elle besoin de cette réforme et avec quelles menaces pour ses missions de services publics ? Bailly a l’œil rivé sur le 1er janvier 2011, et l’ouverture totale du courrier à la concurrence. Or, la forme juridique actuelle, plaide le patron de la Poste «ne permet pas un vrai développement du courrier et de services intégrés», a-t-il expliqué dans un message au personnel. Et cela «limite considérablement nos possibilités d’acquisition et d’alliances dans tous nos métiers». D’où l’ouverture du capital, à hauteur de 10 à 20 %, pour donner à la Poste de nouveaux moyens.

Cet afflux d’argent frais devrait servir également à réduire l’endettement (5,9 milliards d’euros). Va-t-il servir aussi à remplir les caisses vides de l’Etat ? Ce n’est pas le schéma envisagé pour l’instant.

La Poste ne parle pas non plus de mise en Bourse, mais d’un capital «ouvert aux salariés» qui constituerait un des piliers du futur actionnariat. Pas de calendrier précis pour cette réforme à hauts risques. Juste une indication : la réforme se ferait «à l’horizon 2009». Encore un chantier législatif supplémentaire. Et déjà une grève en perspective. Les six syndicats de l’entreprise ont décidé hier de lancer un arrêt de travail unitaire les premiers jours de septembre.

«C’est Bruxelles qui veut»

FAUX, MAIS… Bruxelles n’exige pas formellement la bascule vers le statut de SA. La réforme, toutefois, lui faciliterait grandement la tâche. «Un des boulots de la Commission européenne, rappelle-t-on à la Poste, c’est de vérifier, dans un marché ouvert, qu’il n’y a pas de distorsion de concurrence.»Et le statut de droit public de la Poste, une spécificité bien française, la met sous haute surveillance, parce qu’il nourrit les soupçons. Bruxelles a d’ailleurs un désaccord avec la Poste qui ne porte pas sur le statut proprement dit mais sur la garantie illimitée de l’Etat que ce statut lui procure. Le différent est sur le feu. La Poste conteste pour sa part, en profiter :«Nous n’avons pas la même notation que l’Etat pour nos emprunts.»Bref, elle emprunterait à des taux supérieurs. Cela dit, Jean-Paul Bailly, le patron de La Poste, a raison quand il souligne: «On est la seule Poste avec la Belgique et le Luxembourg à ne pas avoir le statut de SA», et il convainc volontiers quand il annonce la mutation comme inéluctable. Tant la Commission voit d’un mauvais œil, une poste française, confite dans le giron de l’Etat.

«C’est pour financer la modernisation»

FAUX. C’était vrai, il y a encore cinq ans. Ça l’est moins aujourd’hui. La Poste, bénéficiaire, a les moyens de sa modernisation. Jean-Paul Bailly, à l’instar de Guillaume Pepy, son homologue à la tête de la SNCF, a mis l’opérateur sur les rails de la profitabilité. Certes le chiffre d’affaires est satisfaisant sans être éclatant (21 milliards d’euros en 2007, soit + 3,4 % de progression). La Poste résiste à la montée d’Internet dans les échanges. Et surtout, le résultat net s’améliore : 943 millions l’an dernier (+ 36%). Du coup, la Poste peut investir raisonnablement. Elle l’a même clamé sur les toits en publiant ses résultats, il y a un peu plus de trois mois : «La capacité d’autofinancement du groupe (1,485 milliard d’euros) lui a permis de faire face à la totalité de ses investissements et - plus fort encore -, d’enregistrer une très légère baisse de son endettement» passé de 6 à 5,9 milliards d’euros. Cerise sur le timbre, la Poste s’est même payé le luxe - comme la SNCF -, de verser pour la première fois un dividende (certes modeste, 141 millions d’euros), à l’Etat. Et même un chouïa d’intéressement aux postiers.

«La Poste restera dans la sphère publique»

VRAI. A moins de changer la Constitution. En effet, l’article 9 de son préambule dispose que «tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité». Or la Poste «est juste exemplaire sur ce point» , bétonne-t-on chez l’opérateur postal : «C’est un service public national et l’Etat en restera donc majoritaire.» Ce n’est pas la conviction des syndicats, ni de certains élus. Ils font valoir l’exemple de France Télécom, lui aussi service public national, aujourd’hui en Bourse et dont l’Etat ne possède plus qu’un petit 27 %. Sauf que son service public était microscopique, réduit aux annuaires et aux cabines, et pour mieux l’extirper de France Télécom, l’Etat a même procédé à un appel d’offres. Rien à voir avec la Poste.

«C’est pour lutter à armes égales avec nos concurrents»

VRAI ET FAUX.Quels concurrents ? Depuis l’ouverture du marché du courrier (limité jusqu’en 2011 aux plis de plus de 50 grammes), la Poste n’a pas été franchement inquiétée. Le régulateur des postes a distribué une bonne douzaine de licences à des opérateurs privés, mais ceux-ci vivotent. Le seul acteur vraiment sérieux qui voulait lui disputer le monopole du courrier adressé (par opposition aux courriers publicitaires envoyés en masse), l’opérateur Adrexo, s’est retiré il y a quelques mois de la compétition. L’ouverture du courrier à la concurrence s’est faite de façon si progressive, explique-t-on chez le régulateur, qu’elle a fini par dissuader les grands noms européens du secteur de venir se frotter à la Poste.

Mais si l’ambition de l’entreprise publique est d’aller chasser à l’international, Bailly a, peut être, raison. Ce dernier qui veut en faire un «leader européen» , cherche à multiplier «les acquisitions, les alliances dans tous nos métiers». Assurément, le statut de SA aide à l’affaire. François Brottes, député PS et ardent défenseur du service public postal, fait toutefois remarquer que son statut actuel ne l’a pas empêché de multiplier les emplettes. La CGT-PTT, instruite par les errements de France Télécom au lendemain de sa mise en bourse, pointe le danger d’une bataille entre opérateurs sur le marché libéré du courrier, avec son cortège de restructurations et de casse sociale.

«Les missions de service public ne sont pas menacées»

FAUX. Tous les doutes sont permis. Le 22 juillet, trois ministres représentant l’Etat vont signer avec la Poste un contrat de service public que Libération s’est procuré. Son objet ? Garantir sur cinq ans (2008-2012) le respect de quatre missions clairement identifiées : présence postale sur tout le territoire, délivrance des services postaux à des tarifs abordables, acheminement de la presse à un prix étudié et accès de tous aux services bancaires.

A la lecture du document, le citoyen n’est pas franchement rassuré. Ces missions représentent un surcoût qui doit être normalement compensé par l’Etat. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Sud-PTT évalue à 1 milliard les charges non compensées. Le financement n’est pas non plus garanti demain. Pour la seule présence postale, la charge est évaluée, dans le contrat, à 399 millions d’euros, mais le fonds destiné à compenser ces surcoûts est encore «virtuel», et alimenté à hauteur seulement de 144 millions. Même facture nette à la charge de la Poste pour l’acheminement de la presse, évaluée à 415 millions d’euros. L’Etat, pour contourner la difficulté, invite l’opérateur à assurer ses missions à meilleur coût. Quitte à réduire le service, en remplaçant par exemple les bureaux de poste par des points poste…

«L’unité du groupe est garantie»

VRAI, MAIS… Aujourd’hui, la Poste, maison-mère, regroupe plus d’une centaine de filiales, françaises ou exerçant à l’international. Toutes des sociétés anonymes. La plus emblématique est la Banque postale, créée il y a deux ans. Elle évolue, distribue déjà du crédit immobilier, demain du crédit à la consommation. Une filiale va même être créée, en partenariat avec la Société générale à hauteur, dit-on, de 40 % environ. Bientôt, on pourra même assurer sa voiture ou sa maison au guichet.

Jean-Paul Bailly a juré qu’il préservera l’unité du groupe. Jusqu’à quand ? La CGT-PTT, FO ou Sud-PTT doutent de sa promesse. Des activités comme le colis, sont extrêmement rentables, font remarquer les postiers. D’autres activités, comme les services financiers, ont un gros potentiel, en dépit du monopole perdu sur le livret A. Il est tentant de sortir ces métiers de la maison-mère. A l’instar de la Deutsche post, l’opérateur allemand, mis en Bourse en 2000, qui cherche un acheteur pour Postbank, sa banque postale.

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